La descente du Rio Dulce depuis le lac Izabal à bord d’une pirogue effilée, manœuvrée par deux adolescents hilares s’était déroulée sans problème. L’averse surprise du départ avait cessé subitement et lui avait succédé une chaleur moite qui rendait l’air lourd et irrespirable. Dans une cacophonie soigneusement orchestrée, des centaines d’oiseaux de toutes sortes, pélicans et hérons, aigrettes et cormorans, perroquets et toucans exécutaient un concert étourdissant. Puis, une fois le dernier canyon passé, le silence s’installa de nouveau, troublé seulement par les coups de pagaies. La première partie du périple touchait à sa fin, et sur un ponton vermoulu, un solide gaillard m’avait accueilli d’un puissant « Cap’tain John ! Bienvenido a Livingston Sir ».
Livingston, petite bourgade des Caraïbes dont l’accès ne peut se faire que par la mer ou par le rio ; une vision surréaliste et anachronique tout à la fois, d’un port oublié dans le temps, où la population est constituée essentiellement par des descendants d’esclaves noirs les « Garifunas » dont Captain John était un digne représentant.
Pas le temps de s’attarder. Après un rhum frappé mélangé à du lait de coco, nous reprenions la route, je devrais dire plutôt la mer, sur une « lancia » à moteurs munie de cabines.
Destination une plage près de Punta Gorda, au Bélize ou « Captain John » me débarqua avant de continuer sa route. Dans deux jours il reviendrait me chercher. Cette escale s’annonçait idyllique, avec ces petits bungalows en bois et aux toits de chaume au milieu des cocotiers sur une plage de sable blanc.. J’étais mort de fatigue mais Maria, la maitresse des lieux, mi Garufina mi hindoue insista pour que je fasse honneur à sa cuisine : des « tamales » qu’ici on appelle les Ducunu. Véridique. En fait des grains de maïs grillés mélangés avec du lait de noix de coco accompagnés d’un succulent ragout de poulet à la citronnelle et au curcuma, le tout arrosé d’une bière locale rafraichissante. J’avais du mal à comprendre ce que me racontait Maria et le dernier verre de rhum, gentiment proposé, ne m’y aida pas. Je dormais debout, j’avais quitté le Guatemala ce matin, la tête me tournait, la fatigue avait raison de moi. Je refusais poliment de passer la nuit dans la cabane préférant un énorme hamac tendu entre deux cocotiers sur la plage où je m’endormis sans tarder, bercé par une douce brise marine.
Ce fut une odeur chaude et envoutante, un curieux mélange d’arômes de coco, de lemongrass et Ylang Ylang qui me réveilla : apparemment Maria non plus n’avait pas eu envie de dormir dans la casita.
Romance tropicale nous replonge dans cet univers à la fois suspendu dans le temps et bien réel de la nonchalante vie sous les tropiques, réglées par le temps qui passe au rythme de la musique, de la fatalité, des regards lourds de sens et des sous-entendus, et de ses arômes de cuisine et de parfums mélangés.
On retrouve dans ce savon tous ces ingrédients qui me rappellent le Belize, de l’aloé vera au rhum local aux parfums d’abricot, la noix de coco, le lemongrass dont les indigènes se servent comme remède ancestral pour faire baisser la fièvre et éloigner les insectes, dans leur cuisine ou pour parfumer le thé sans oublier l’envoutant parfum de Maria, le Ylang Ylang.